Mais qui donc est ce Saint Guénal qui a donné son nom à la chapelle ?
Il est connu et honoré ailleurs qu’à Kerlouan, et souvent sous d’autres noms :
Ainsi à l’église de Bolazec sous le nom de Guenael ou Gwenael
En Caudan (Morbihan), de Locunel
À Elliant, de Guenal
À Ergué-Gaberic de Guinal
À Landivisiau, de Guenal ou Venal : un acte de 1497 mentionne cette chapelle
En Loperhet de Kenal
À Mauron (Morbihan) de Guinel
En Plomeur (Morbihan) de Guenal
A Plouenan de Guenal
À Plougonvenlin de Guenal
À Plougonvelin de Guenal
À Poullaouen de Guenal ou Vinnel
À Saint Pol de Léon de Venal
À Quimper (Moulin Vert) de Guenal, etc..
Son véritable nom serait « Gwenael » qui vient étymologiquement des formes anciennes de Vuinhael, Gunehael, Guniheal, nom composé de « Gwen » (Blanc-heureux), et de « Hael » (Généreux).
Son père serait un certain Romel (ou Romulus) à qui on prête une souche nombreuse de saints, et entre autres descendants, Saint Cado, son petit-fils par sa fille aînée qui avait épousé Gundle.
La légende fait naître Guenal au début du VIème siècle à Quimper; et voici comment, dans son livre « Bretagne des Saints », Florian Le Roy raconte la première rencontre du jeune Guenal et de Saint Guenole, le créateur de l’abbaye de Landévennec : « Guenole venait de séjourner à la cour du roi Gradlon, quand dans une rue de Quimper il est surpris de voir un jeune garçon abandonner ses compagnons de jeu pour s’agenouiller devant lui. Guenole après un silence le regarde au visage : « Mon fils, voulez-vous venir dans notre monastère servir Dieu ? »
« C’est tout mon souhait. Je veux passer ma vie au service de Dieu, sous votre règle et discipline ».
L’enfant essayait déjà de se mettre au pas de l’abbé, mais celui-ci satisfait de l’épreuve, lui tapote la joue : « Bon…Bon…retournez maintenant chez vos parents, car le chemin est long d’ici au monastère pour vos petites jambes ».
Le gamin ne l’entendait pas de cette oreille. Il s’obstina, trottina jusqu’à Landevennec d’où, du contentement de son père il ne sortit plus.
Il s’appelait Guenael, fils du Comte Romulus, un des gentilshommes de la Cour.
La mort de Saint Guénolé avait été digne de la fresque, si las, si vieux, il souhaitait lui-même que son âme se détachât de son corps. Une nuit qu’il méditait à l’église sur la Passion du Seigneur, le vaisseau s’éclaira comme en plein midi, et un ange vint avertir l’abbé que Dieu l’appellerait à lui le lendemain. À l’aube il rassemble, ravi, tous les religieux pour leur donner ses suprêmes recommandations et désigner son successeur, son disciple le plus cher, son imitateur, Guenael, dont après avoir célébré pontificalement la messe et communié ses frères, il tint à recevoir l’extrême-onction avant d’expirer sur les degrés mêmes de l’autel, dans une vision des cohortes angéliques ».
La légende dit que, comme beaucoup de moines de cette époque, Guenal préféra se retirer dans la solitude après avoir été un certain temps l’Abbé Directeur de l’Abbaye de Landévennec, et il s’établit à l’île de Groix où il devait décéder vers 585-590.
Lorsque les Normands envahirent tout l’ouest de la Gaule, en 919-920, d’après les Annales de l’Abbaye de Redon : « Les Bretons étant les uns et les autres soit tués, soit chassés, alors des corps Saints qui étaient en Bretagne, furent emportés dans différentes régions ».
Et dans leur livre : « La Bretagne des Saints et des Rois du V° au X°siècle », André Cheville et Hubert Guillotel précisent : « c’est dans ce contexte de violences, de luttes, que s’est déroulé l’exode de l’élite bretonne. L’ensemble du royaume fut alors saisi par un courant de panique générale. Ce fut d’un monastère qui devait être situé en Vannetais que provenaient les reliques de Saint Guenaud ou Guenal, qui furent abritées au début du X° siècle par Thion, le Vicomte de Paris, dans son domaine de Courcouronne, près de Corbeil, puis portées dans cette ville ».
Nul ne sait ce que sont devenues les reliques de Saint Guénal ….
Le sentiment d’affection pour ce Saint était resté encore vif au début du XX° siècle, malgré l’état de délabrement de sa chapelle, et un habitant du quartier se souvient parfaitement qu’étant enfant, il venait, suivant la coutume, allumer une bougie dans la chapelle, pour favoriser une heureuse délivrance chaque fois qu’une truie allait mettre bas : Est-ce parce que le mot de « Genel », voisin de « Kenal », signifie « naître », c’est-à-dire, venir au monde ?
Ce lieu, comme tous les lieux considérés comme sacrés, favorisait toute manifestation bizarre à être considérée comme miraculeuse, et c’est ainsi que dans les années 1940, on découvrit un jour dans la chapelle une feuille de liseron sur laquelle un ver en cheminant, avait laissé des traces très visibles dessinant comme une Jeanne d’Arc sur son cheval. Le feuille fut conservée pieusement, et pendant longtemps on vint, parfois même de très loin, contempler ce phénomène. Mais à la longue la feuille avec ses effets miraculeux s’est desséchée et a fini de perdre tout son intérêt.
D’autre part, chaque Saint ayant des dons, on prête à Saint Guénal d’avoir séjourné le long de la côte de Kerlouan où vivait un dragon, et le Saint l’en avait chassé un jour après lui avoir imposé les mains en murmurant : « Kerz ac’ha leac’h zé ta anneval » que l’on peut traduire en français par « va-t-en de ce lieu, toi animal ». D’où serait dérivé le nom du quartier de Kerzenval (anneval = Kerzenvel)…
Extrait du bulletin n°11 Environnement et Patrimoine Kerlouan